A qui profite la dette (publique) ?

Chose promise, chose due.  Suite à la très intéressante conférence de Jacques Gaspers et Grégory Dolcimascolo, nous vous proposons avec leur accord le texte descriptif.

 

Avis aux intéressés.

A qui profite la dette (publique) ?

 

Notre analyse prend sa source aux confins de la Mésopotamie pour atteindre finalement l’Europe et la Belgique, c’est osé !

Nous vous invitons donc à nous accompagner dans notre voyage au centre de la dette.

 

« Qui paie ses dettes s’enrichit ». Ce vieil adage est bien sûr une contre vérité, mais il tente de nous faire admettre qu’il y a une espèce de grandissement moral à payer ce que l’on doit… ou que ne pas s’en acquitter serait considérer comme une honte.

L’histoire de la dette, vous allez le voir, nous donne de nombreux renseignements pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

Le moins qu’on puisse dire est que le phénomène de la dette, privée ou publique, est quasi vieux comme le monde, qu’il a toujours joué un rôle majeur dans l’organisation ou la désorganisation des sociétés, dans leur cohésion ou leur absence de cohésion.

Déjà, du 3e au 1er millénaire avant notre ère – nous disons bien millénaire et on dit bien « avant Jésus-Christ », soit de -2000 à -1 –, l’Histoire de la Mésopotamie et de l’Egypte est rythmée par le cycle de l’endettement, de la servitude pour dettes et des décrets d’annulation des dettes. Donc, déjà en ces temps lointains, dette et asservissement sont intimement liés.

En 1792 AC – il y a donc plus de 3800 ans –, le code d’Hammourabi   « Le puissant ne peut pas opprimer le faible, la justice doit protéger la veuve et l’orphelin (…) afin de rendre justice aux opprimés ».

Hammourabi lui-même édicte quatre annulations de dettes.

Le premier décret du dernier gouvernant de la dynastie, au doux nom d’Ammisaduga, en 1646, est très détaillé. Il précise que les créanciers officiels et les collecteurs de taxes qui ont expulsé des paysans doivent, dans le cadre de la proclamation d’annulation, les indemniser et leur rendre leurs biens sous peine d’être exécutés. Et si un créancier a accaparé un bien par la pression, il doit le restituer et/ou le rembourser entièrement, faute de quoi il doit être mis à mort ! Imaginez un peu la tête des responsables des grandes banques, des traders, du FMI, ou de la banque mondiale si une telle loi était proclamée, actuellement !

Mais pourquoi ces annulations ?

Déjà, à cette époque, les paysans, lors de mauvaises récoltes, accumulaient des dettes. En cas de non remboursement, leurs créanciers s’appropriaient leurs terres et les asservissaient eux et leur famille, carrément.

C’était d’abord pour éviter les révoltes que le roi se plaçait du côté des pauvres contre les riches. Il empêchait ainsi la constitution de grandes propriétés privées en faisant coup double, puisqu’il se garantissait la paix sociale et affaiblissait les riches, renforçant par là même encore sa position.

Ce n’était donc pas par simple bonté d’âme. Ces annulations permettaient bien plus de maintenir l’équilibre social qu’elles ne cherchaient une réelle émancipation sociale. En outre, la libération des dettes pour les paysans les rendait au champ où ils pouvaient à nouveau assurer l’approvisionnement de la cité en nourriture et les rendait également à nouveau disponibles comme soldats en temps de guerre.

Inutile de dire que ces annulations étaient l’occasion de grandes festivités, généralement à la fête annuelle du printemps. A l’occasion de la mort d’Hammourabi, son successeur avait d’ailleurs instauré la tradition de détruire, durant la fête, les tablettes sur lesquelles étaient inscrites les dettes. On « effaçait » l’ardoise !

Heureusement, Google et le cloud n’existaient pas encore pour en garder trace…

On peut même dire qu’à une époque où l’argent n’existait pas encore, la dette existait déjà ! La dette est plus ancienne que l’argent, vous imaginez ! Il semblerait même que ces tablettes sur lesquelles on écrivait les dettes pouvaient être rachetées par d’autres. Donc, la dette circulait de mains en mains comme de l’argent, comme cela se pratique actuellement sur les marchés boursiers, par exemple, à la BCE (Banque Centrale Européenne) qui rachète des titres des dettes de chacun des pays de l’Europe.

Nous retrouvons le même processus chez les Assyriens du 1er millénaire, de même à Jérusalem au 5ème siècle seulement avant J.- C. Dans le même esprit, la tradition des annulations généralisées de dettes fera partie de la religion juive et des premiers textes du christianisme. Dans l’Ancien Testament, le deutéronome proclame l’obligation d’annuler les dettes tous les sept ans et le Lévitique l’exige – à défaut d’avoir pu y arriver tous les 7 ans – à chaque jubilé, soit tous les 50 ans. La traduction du « Notre père » disait encore jusqu’à Vatican II : « Remets-nous nos dettes comme nous remettons à ceux qui ont des dettes envers nous ». Certains théologiens modernes y ont vu seulement une expression symbolique de la remise des péchés, assimilant péchés et dettes. C’est faux.

Pour preuve le rabbin Hillel, au premier siècle de notre ère, édicte un décret selon lequel les débiteurs (donc ceux qui doivent de l’argent) sont tenus dorénavant de signer un document stipulant qu’ils renoncent à leur droit à la remise des dettes. Cet épisode montre bien à quel point ce droit était encore vivace dans la tête des gens, qui entendaient chaque samedi relire les vieux textes à la synagogue. Et à quel point il fallait faire sauter ce verrou pour rassurer les nouveaux magnats de la finance.

Notons – et ça, c’est important pour ce qui se passe aujourd’hui – que la fin de cette tradition de remise de dettes coïncide avec l’apparition de dures luttes sociales entre créanciers et endettés. En Grèce et à Rome, où la tradition des annulations par décret royal n’existe pas, des annulations ponctuelles sont arrachées par des luttes causées par l’explosion des inégalités Un exemple célèbre : la révolte des Plébéiens en 494 AC.

Accablés de dettes et sans droits civils ni politiques, les Plébéiens ne voulaient plus obéir aux consuls et refusaient de faire la guerre. Ménénius Agrippa les convaincra de rentrer à Rome, mais, en compensation, on abolira leurs dettes, et deux tribuns de la plèbe, « inviolables », seront créés pour défendre leurs intérêts.

Pour continuer notre petite ou grande histoire de la dette à travers les âges – et en sautant de nombreuses étapes –, nous nous retrouvons au début du 14ème siècle. A cette époque, l’Ordre des Templiers, présent dans une grande partie de l’Europe, s’est converti en banquier des puissants. Ainsi, il est devenu le principal créancier de Philippe le Bel. Ecrasé par le poids de ses dettes, Philippe le Bel va alors se débarrasser de son créancier – l’Ordre des Templiers – en le diabolisant et l’accusant de multiples crimes. L’ordre est interdit, ses chefs exécutés… et ses biens confisqués. Moralité : il manquait un Etat et un territoire à l’ordre des Templiers pour faire face au roi de France.

Il ne s’agit donc plus pour le prince ou le roi d’annuler les dettes de ses sujets, mais bien d’annuler ses propres dettes par la suppression physique du créancier.

Ces mésaventures sont bien le genre d’erreur que ne commettront plus les banquiers vénitiens qui prêtent énormément d’argent aux puissants d’Europe qui doivent payer leurs armées parties en Croisade vers Jérusalem. Ils vont manœuvrer bien plus finement. Ils décident de faire de Venise « Cité-Etat », une république et en prennent le contrôle. Ils financent ensuite sa transformation et en font un véritable empire. Pour ce faire, ils endettent l’Etat vénitien en lui prêtant l’argent nécessaire. Ils sont donc à la fois créanciers en tant que banquiers (ils prêtent l’argent pour que Venise devienne puissante) et dirigeants de Venise. Ca, c’est pratique, puisqu’en tant que dirigeants de Venise, ils se garantissent à eux-mêmes le remboursement des dettes. Ils vont encore plus loin. Ils créent des titres de la dette publique, donc des documents qui peuvent se revendre et circuler ainsi d’une banque à l’autre. Les marchés financiers sont d’ores et déjà en place. Ce type d’emprunt est le précurseur de la forme principale d’endettement des Etats tel qu’on le connait au 21ème siècle.

A Florence, les grandes familles vont procéder de la même manière qu’à Venise, au point qu’en 1427, 86% des monti (c’est le nom des titres de la dette publique) appartiennent aux 10% des Florentins les plus riches, quand 71% des foyers n’en détiennent pas. Mais il faut rembourser ces dettes d’Etat. Et qui doit les rembourser ?  Ben les habitants de l’Etat qui ne détiennent pas ces titres ! Et qui se retrouvent parfois dans l’obligation de s’endetter pour participer au remboursement de ces emprunts forcés. C’est encore ce qui se passe aujourd’hui.

Désormais, les banquiers sont à l’abri. Aucun roi ne viendra plus les jeter en prison, les bannir ou leur trancher la tête, protégés qu’ils sont par leur cité Etat puissamment armée dont ils sont quasi propriétaires. Dans la foulée, ils ont inventé la dette d’Etat.

Toute ressemblance avec une histoire vécue à une époque récente serait totalement fortuite !

Nous avons une orientation idéologique claire, que nous ne vous cacherons pas tout au long de notre planche, mais ce que nous voulons dénoncer, c’est l’arme de la dette publique, au service du système capitaliste, qui s’attaque à des valeurs humanistes fondamentales.

Nous pensons que le fil rouge de notre raisonnement peut interpeler tous ceux qui, au-delà de leurs options politiques, veulent lutter pour une société fondée sur la liberté, l’égalité et la fraternité.

 

La suite de cette présentation va s’organiser en trois parties : d’abord, nous allons vous expliquer quelles sont les origines de la dette publique, pour vous montrer qu’elle est contestable ; nous vous montrerons ensuite à quelle point la dette a des conséquences sur notre vie quotidienne, frappée par l’austérité ; enfin, nous nous interrogerons sur les impacts que la dette a sur le principe même de démocratie dans nos pays.

A des fins pédagogiques et puisque nous allons parler de gros sous, je vous propose tout d’abord de baliser le chemin: le PIB belge s’est élevé, en 2014, à 402,03 mds d’euros (disons 400 mds) ; la dette publique belge s’élevait, fin 2014, à 106,55% du PIB (soit 428 mds d’euros) ; selon le gouvernement, le budget de l’Etat s’est élevé à 215,1 mds d’euros et a accusé un déficit de 3,2% en 2014, soit près de 7 milliards, contre les 2,15% attendus.

Maintenant que notre route est bien délimitée, je vous propose d’entamer le dossier de la dette.

 

En 2013 c’est 19 % 

 

Mais attention , plusieurs économistes ne sont pas d’accord avec cette présentation et y compris ce n’est pas comme cela que le gouvernement présente les chiffres 

 

Pour eurostat, le remboursement du capital ne doit pas rentrer en compte dans le budget 

 

Donc pour le gouvernement c’est 

 

Budget  = 215,1 milliards 

 

Intérêts = 12,8 milliards 

 

Donc cout de la dette dans le budget : 12,8/215 = 6% 

 

Pour nous c’est : 

 

Budget = 249,7 milliards (215,1 + 34,6 de remboursement du capital) 

 

Service de la dette (intérêts + capital ) = 47,5 milliards 

 

Donc cout de la dette dans le budget :  47,5/249,7 = 19%

 

  • Quelle dette ?

Alors, de quelle dette parlons-nous ? Que représente-t-elle ?

Pour assurer le bien-être de sa population, il est normal, nécessaire et souhaitable qu’un Etat réalise des dépenses et, le cas échéant, qu’il contracte des emprunts. Ces opérations peuvent donc entraîner une dette publique, qu’il faudrait indiscutablement rembourser, selon le raisonnement officiel. Le remboursement de la dette est une dépense supplémentaire qui pèse dans la balance de l’Etat. Et qui pèse lourd !  En Belgique, par exemple, selon nous, elle représente un cinquième des dépenses totales, soit 47,5 milliards d’euros (34,6 mds pour le capital et 12,8 mds pour les intérêts).

Mais c’est quoi, 47,5 milliards d’euros ?  Eh bien, en 2013, c’est plus de six fois le budget du chômage, par exemple, ou une fois et demie le budget des Pensions ou celui de la Santé.

Il faut savoir que, si on écarte le remboursement de la dette, le budget est grosso modo en équilibre. Les chiffres de 2014 font état d’un déficit de 0,2% du PIB (différence entre recettes [51,1% PIB] et dépenses [51,3%] PIB), soit 0,8 mld. Pas grand’chose par rapport au coût par exemple – exemple pris totalement au hasard – des intérêts notionnels, auxquels le Tax Shift a bien pris soin de ne pas toucher. Mais nous y reviendrons. Toujours est-il que, pour rembourser la part de sa dette qui arrive à terme annuellement (soit 47,5 milliards, capital et intérêt), l’Etat, à sec, doit… emprunter. Emprunter pour rembourser un capital, c’est ce qu’on appelle le « roll-over » . Et où emprunte-t-il, l’Etat ? Sur les marchés financiers. « Opération neutre », selon le gouvernement. Sauf que l’emprunt entraîne des intérêts. Et que la Belgique a payé, entre 1982 et 2007, 470 mds d’euros d’intérêts,  d’intérêts  sans pour autant diminuer le poids de sa dette publique. Dans la préface au rapport annuel (2014) de l’agence de la dette, Johan Van Overtveldt reconnaît d’ailleurs « l’effet d’auto-alimentation de la dette par le poids des charges d’intérêts ».

Et à l’origine, d’où vient-elle, cette dette ? Et, d’abord, d’où ne vient-elle pas ?

Contrairement à une idée largement répandue, il est totalement faux pour nous de dire que les Belges vivent au-dessus de leurs moyens depuis des décennies et que la dette provient donc d’un excès des dépenses publiques.

Pour vous le prouver, il suffit de vous présenter un graphique qui reprend la façon dont les dépenses publiques ont évolué par rapport au PIB. Comme vous pouvez le voir grâce à la ligne bleue horizontale, en 30 ans, soit entre 1980 et 2010, les dépenses publiques sont restées stables et se situent autour des 43%. Par contre, la ligne noire qui reprend l’évolution de la dette publique a fortement évolué de 1980 à 1994 (faisant progresser notre dette de moins de 50% du PIB à un peu moins de 140%) pour amorcer ensuite une lente descente jusqu’à la crise des subprimes et le célèbre sauvetage bancaire de 2008. Il y a donc bien absence absolue de corrélation, de relation, entre l’évolution stable des dépenses publiques et l’évolution de la dette publique. Au contraire, avec des dépenses stables de l’ordre de 43%, la dette publique était en diminution constante, jusqu’en 2008. Mais alors, d’où vient-elle, la dette ?

D’où vient la dette ? Il n’y a jamais une cause unique à un problème important. Nous allons donc maintenant vous exposer six causes qui, cumulées, ont amené la dette à son état actuel : (a) l’explosion des taux d’intérêts en 1980, (b) une politique fiscale injuste, (c) une politique monétaire injuste, (d) le sauvetage du secteur financier, (e) la crise économique et (f) d’une politique d’austérité

En 1980, la récession (c’est-à-dire une diminution des activités économiques) et l’inflation (c’est-à-dire une forte augmentation des taux d’emprunt) (en bleu sur le graphique) créent une situation dangereuse. Au même moment, les augmentations brutales des prix pétroliers imposées par l’OPEP (les pays exportateurs de pétrole qui se sont regroupés pour s’entendre sur les prix du baril de pétrole) (1973 et 1979) aggravent encore cette situation. Pour endiguer le phénomène, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne décident unilatéralement de gonfler les taux d’intérêts pour attirer les capitaux chez eux. Les taux d’intérêts (en rouge) explosent donc, par la volonté politique de ces deux pays. Ces taux, nettement plus élevés que la croissance réelle, permettent aux capitalistes d’investir dans des placements financiers et, notamment, dans les titres de la dette publique qui leur garantissent un revenu important et stable, plutôt que dans l’économie réelle en crise. Au début des années 1980 se met donc en place l’effet « boule de neige », la dia vous montre les conséquences de cette boule de neige sur la dette de l’Etat français, mais le principe est le même pour la Belgique. La différence entre la dette effective et ce qu’elle aurait été sans l’effet « boule de neige » est remarquable. L’Etat n’est plus capable de payer les tranches de la dette qui arrivent à échéance parce que des intérêts trop importants s’ajoutent au capital à rembourser. Catastrophe ! L’Etat doit alors emprunter toujours plus pour rembourser des emprunts précédents. La conséquence  de ce système est que la dette (en vert) atteint 78% du PIB en 1982 alors qu’en 1974, elle était de 39,8%. Elle a donc doublé. Mais, quand l’inflation s’est apaisée (à partir de 1982), les taux d’intérêt n’ont pas suivi cette décroissance : les créanciers (les banques) ont donc pu encore accroître leurs bénéfices et, donc, les déficits se sont encore creusés pour l’Etat.

En guise de mise en bouche, nous allons commencer par l’impôt sur les sociétés.

Je vais vous faire une grande révélation ! Contrairement au discours qu’on entend tout le temps, le régime fiscal belge en matière d’impôt des sociétés est l’un des plus attractifs de l’Union européenne ! Procédons par ordre. Bon d’accord, ce taux de l’impôt des sociétés est officiellement de 33,99%. C’est évidemment sur base de ce taux officiel que le monde des entreprises et la droite font pression pour le diminuer. Pour le prouver, ils comparent ce taux à celui de nos voisins. Et en effet, notre pays exerce une pression fiscale apparente plus grande.  Voici d’ailleurs les chiffres 2016. Vous voyez, on ne vous cache rien !

Dévoilons peu à peu ce tableau, en analysant l’évolution de ce taux – officiel, on le répète – depuis 1986 pour la Belgique. Vous pouvez constater qu’il n’a cessé de diminuer, passant de 45% à 33,99%. Bel effort, vous en conviendrez. Ainsi donc, malgré des concessions régulières aux revendications patronales, nous ne satisfaisons toujours pas les lois de la compétitivité.

Mais éclairons complètement ce tableau, en l’ouvrant à l’évolution des taux de l’impôt des sociétés des autres pays d’Europe. Alors là, on commence à comprendre.

Non seulement, la tendance générale des taux d’imposition des sociétés a été à la baisse, mais on devrait plutôt parler de chute dans le cas de l’Irlande, passant allégrement de 50% à 13% et de l’Allemagne de 56% à 26,37% !

Ainsi, plutôt que de s’entendre sur un taux d’imposition des sociétés harmonisé pour l’Europe, chaque pays a joué cavalier seul, espérant, par ses propres taux toujours plus intéressants, attirer davantage d’entreprises sur leur territoire et devenir plus concurrentiel. Il ne s’agit plus ici de concurrence – dite « saine », en langage capitaliste – entre entreprises, les plus innovantes pouvant espérer emporter davantage de parts de marché. Non, il s’agit ici de faire porter ce poids de la concurrence sur les recettes de l’Etat, et donc au détriment du citoyen, du travailleur, du contribuable. Cette guerre des taux d’imposition des sociétés n’a donc eu pour effet que d’appauvrir les Etats, puisque l’argent qu’ils perçoivent des entreprises a fondu comme neige au soleil, et a permis aux entreprises de payer moins d’impôts, maximiser leurs profits, tout en continuant – c’est un comble – à utiliser sans cesse cet argument comparatif pour tenter de le diminuer encore et encore.

L’Europe joue-t-elle son rôle d’union sur cette question ? Nous avons la conviction qu’elle favorise la concurrence entre les Etats !

Mais revenons, si vous le voulez bien, en Belgique : le taux d’imposition officiel est donc bien de 33,99%. Oui, mais ça, c’est en théorie, ou en pratique pour un certain nombre de petites entreprises. Ce n’est pas elles que nous mettons en cause, ce sont plusieurs mécanismes, qui, utilisés abusivement, concourent à faire baisser le taux effectif : on appelle cela des « niches fiscales ».

D’abord, il y a eu le mécanisme des centres de coordination.

Inventés en 1982, ces centres permettaient aux sociétés transnationales de créer une sorte de filiale qui allait exercer des activités administratives et financières. Ces centres de coordination bénéficiaient d’un taux d’imposition très bas. Exemple en 2002, on avait en Belgique 207 centres de coordination qui ont payé 73 millions d’impôts pour un bénéfice de 5,36 mds d’euros, soit un taux moyen de… 2,36% ! On est loin des 33,99%.

En second lieu, sont arrivés les fameux intérêts notionnels. Ils sont entrés en vigueur en 2006 quand l’Europe a interdit les centres de coordination. Ils les ont remplacés en quelque sorte, mais en mieux. Grâce à ce mécanisme, ArcelorMittal – ce soi-disant grand pourvoyeur d’emploi en Région wallonne – a pu déduire 1,2 md d’euros en 2009. La FGTB wallonne a calculé que sur la seule année 2009, ces intérêts notionnels ont fait perdre 5,8 mds aux pouvoirs publics. Le collectif « Roosevelt » évalue lui la perte à 5 mds, chiffres concordants donc. Les défenseurs de ces intérêts notionnels continuent à prétendre que ce mécanisme attire les entreprises et crée donc de l’emploi ; la réalité contredit cette affirmation. Les 24 plus grosses entreprises belges (sur 126 comptant plus de 1.000 travailleurs) ont vu leurs effectifs globaux diminuer de 1102 équivalents temps plein de 2005 à 2006.

Comme si cela ne suffisait pas, un troisième mécanisme vient encore aggraver la situation : il s’agit – encore un gros mot – des plus-values sur actions, qui ne sont pas taxées et augmentent encore les bénéfices de l’entreprise. Mieux ! Ces plus-values sont largement déductibles des impôts à payer ! Ce dernier mécanisme a représenté 48% de toutes les déductions fiscales réalisées par les 50 entreprises ayant bénéficié des plus grosses déductions fiscales !

Toujours en 2009, en cumulant les mécanismes que nous venons de dénoncer, les 50 entreprises en question – accrochez-vous ! – ont payé 0,2 mds d’impôt sur un bénéfice de 47,2 mds, soit 0,57%. Si elles avaient contribué au taux réel de 33,99%, les recettes publiques auraient augmenté de 14,3 mds d’euros.

En 2001, le taux effectif moyen d’imposition des sociétés était de 19,94%, bien loin déjà des 33,99%. En 2009, l’utilisation abusive de ces mécanismes l’a réduit à 9,8%, la moitié donc, alors que la base imposable des sociétés avait, elle, doublé passant de 47 à 92 milliards. Les recettes fiscales liées à l’impôt des sociétés auraient donc dû doubler en dix ans, mais en réalité elles n’ont pas augmenté d’un euro. L’Etat s’est donc privé de 9 mds de recettes par an !

Pour la période 2002 à 2011, dix ans donc, le service d’étude du PTB, dont on sait ce qu’il pense mais dont personne n’a jamais contesté les chiffres, ce service d’étude donc estime la perte pour l’Etat belge à 170 mds d’euros.

Ca, c’étaient les chiffres 2009, les derniers dont nous disposions voici trois mois encore. Depuis nous en savons un peu plus pour l’année 2013. Pour 2013 donc, le taux moyen d’imposition a été de 6,7%, contre 9,8% en 2009 et 19,94% en 2001. S’il avait été ce qui est la règle théorique, soit 33,99%, ce sont 13 mds d’€ qui seraient tombés dans l’escarcelle de l’Etat, rien qu’en 2013 donc. Mittal, en 2010, avait payé … €0 d’impôts pour un bénéfice de 1,39 milliards. Pas mal pas mal. Mais regardez à présent le top des ristournes fiscales 2013  : un scandale absolu, total et définitif !

Et ce scandale que nous dénonçons est devenu un argument officiel avancé par Chris Peters pour inciter les sociétés japonaises à venir investir dans notre beau pays, pas plus tard qu’en ce mois de mai 2015, lors de sa visite au Japon ; je le cite  : « le taux réel des sociétés chez nous est l’un des plus avantageux, grâce notamment aux intérêts notionnels, et la pratique du ruling qui permet de fixer votre note fiscale avec nos autorités fiscales ». Ca ne s’invente pas. Charles Michel, présent lui aussi a renchéri en annonçant la décision gouvernementale de réduire les coûts salariaux de 4 Mds et d’abaisser le taux nominal des contributions patronales de 33 à 25% en 2016 ».

Et à présent que les pratiques des excess profit rulings et des intérêts notionnels sont de plus en plus dénoncées au niveau européen, le gouvernement MR-NVA envisage de les remplacer, du moins en partie, par l’abaissement du taux facial , 33.99%, à 25 voire 20 % ; La concurrence fiscale entre les états européens est donc relancée, d’autant que les anglais pensent baisser encore le leur, pour compenser le risque des effets négatifs du Brexit.

 

A présent que je vous sens bien échauffés, et après l’impôt des sociétés, parlons de l’impôt des personnes physiques. « C’est scandaleux, mon bon monsieur. En Belgique, on paie trop d’impôts ».

Sachez d’abord qu’en Belgique, il y a vingt-cinq ans, le taux d’imposition sur la tranche la plus élevée du revenu des personnes physiques était de 68 %. Aujourd’hui il se situe à 50 % depuis 1999, après avoir supprimé les tranches à 55% et 52,5%. D’après Xavier Dupret : « Le coût de l’ensemble de ces mesures pour la période 2002-2007 (5 ans seulement !) est estimé à près de 10 milliards d’euros… »

Ce qui est sûr, c’est que ces mesures fiscales ont fait baisser d’autant les revenus de l’Etat, et donc pesé d’autant sur les contraintes budgétaires, et donc sur la population, pauvre notamment. Ajoutons au passage que c’est encore en 1999 qu’a été organisée la première amnistie fiscale (pour ceux qui avaient planqué leur fortune au Luxembourg, en Suisse ou dans les autres paradis fiscaux, ce n’est pas ça qui manque) et la déduction des intérêts notionnels pour les entreprises. Avec de tels cadeaux fiscaux, en dix ans seulement, les dix plus grandes fortunes belges ont vu leur patrimoine cumulé passer de 6 mds d’euros en 2000 à 37,5 mds en 2011 : fois 6 en dix ans… Pas mal ! D’après la BNB, dont le directeur n’est pas affilié au PTB, les 20 % les plus riches de la population se partagent plus de 60 % du patrimoine national, alors que les 20 % les plus pauvres, eux, s’en partagent 0,20%. On dirait qu’on ne vous parle pas de la Belgique, mais bien des plus pauvres de la planète comparés aux plus nantis.

Comme on le voit, les cadeaux fiscaux accordés aux plus riches et aux entreprises n’ont pas diminué ces dernières années, au contraire, alors que dans le même temps, la dette n’a cessé de croître. Nous ne parlons même pas de la baisse des cotisations patronales, de 33 à 25%, qui, par la magie du Tax Shift, fera payer à l’ensemble des citoyens ce cadeau supplémentaires aux grosses entreprises.

On imagine bien que cette valse des mds donne le tournis, nous en sommes conscients. Il vous est impossible d’en retenir les montants. Nous aussi, si on ne disposait de ces chiffres sur papier. Peu importe. La démonstration, elle, est sans appel : quand nous vous annoncions que le régime fiscal belge était l’un des plus attractifs d’Europe, nous n’exagérions pas. La conclusion de tout cela ?

La dette publique, en réalité n’est en aucun cas une dette de dépenses excessives de l’état, c’est une dette de manque de recettes. (à répéter)

L’article 123 du Traité de Lisbonne (nouvelle mouture de l’article 104 du Traité de Maastricht) interdit à la BCE (créée le 1er juin 1998) de prêter de l’argent directement aux Etats. Cette interdiction est en réalité une harmonisation européenne de pratiques de nombreux pays européens qui avaient limité voire interdit l’emprunt direct à leur Banque nationale et qui ont ainsi obligé les Etats à se financer auprès d’organismes financiers privés. Cela veut donc dire que la BCE prête de l’argent aux banques privées à un taux très bas et que ces mêmes banques prêtent aux Etats à un taux largement plus élevé. On cite souvent en exemple la « loi Rothschild » (Pompidou-Giscard) en France (1973) qui a interdit à la BNF de prêter à la France, bien avant l’avènement de l’euro. Mais la Belgique avait été bien plus précoce.

Selon un article économique repris sur le site de la BNB elle-même : « En ce qui concerne les avances à l’État, la Banque nationale use de toute son autorité pour les limiter strictement. En 1948, Maurice Frère (Gouverneur de la banque nationale à l’époque) met sa démission dans la balance pour obliger le gouvernement à limiter à 10 milliards de francs le plafond des crédits que la Banque ouvre à l’État. » Ce qui est important de retenir, c’est qu’aucune loi n’interdisait à l’Etat belge d’emprunter auprès de la BNB. C’est la BNB elle-même qui a décidé, en dehors de tout processus démocratique, de limiter l’emprunt à 10 milliards de francs en 1948, puis a ouvert le financement au marché privé.

La crainte, réelle ou prétendue, des Banques nationales de l’époque, puis des gouvernements européens était que certains Etats, en besoin de liquidités (donc d’argent frais), empruntent systématiquement auprès des organismes publics et fassent ainsi exploser l’inflation en faisant, comme on dit, « tourner la machine à billets ». Petites parenthèses : quand on regarde ce qui se passe aujourd’hui, on constate que la planche à billets n’a jamais autant tourné, sauf qu’à présent, ce sont les banques qui seules en ont le pouvoir.

L’institutionnalisation de ces pratiques au niveau européen, d’apparence anodine, à travers les articles 104 du Traité de Maastricht et 123 du Traité de Lisbonne a des conséquences concrètes inimaginables :  si l’on reprend l’évolution de la dette belge depuis le Traité de Maastricht en 1992, on s’aperçoit qu’elle est passée de 134% à 100% du PIB en 2012. Voici ce qu’elle aurait été si la Belgique s’était financée à d’autres sources qu’à celles des marchés privés.

  1. Si la Belgique avait pu emprunter au taux de la BCE depuis sa création le 1er juin 1998, la dette aurait été inférieure à 80%, avec une économie de 90 mds.
  2. Si la Belgique avait pu emprunter à un taux égal à l’inflation puis au taux de la BCE depuis sa création le 1er juin 1998, la dette aurait été inférieure à 55%, avec une économie de 171 mds.
  3. Si la Belgique avait pu emprunter à un taux égal à l’inflation, la dette aurait été inférieure à 50%, avec une économie de 186 mds.
  4. Si la Belgique avait pu emprunter à un taux de 1%, la dette aurait été inférieure à 35%, avec une économie de 248mds.
  5. Si la Belgique avait pu emprunter sans intérêt, la dette aurait été inférieure à 20%, avec une économie de 306mds.

Notons enfin que le collectif Roosevelt préconise la possibilité pour les Etats d’emprunter au taux auquel la BCE prête aux banques. Cela constituerait d’après leurs calculs, un gain de 12 mds par an. Et dire que la Fédération Wallonie-Bruxelles recherche 300 MILLIONS d’euros pour l’enseignement : ça laisse rêveur…

Vous avez compris la modération légendaire qui nous caractérise, Jacques et moi, et notre positionnement en plein milieu de l’échiquier politique : notre position idéologique nous pousse naturellement vers le trait orange ! MAIS Il nous semble qu’un taux d’intérêt pour les emprunts publics égal à l’inflation (le trait en mauve) ne lèse personne et limite les risques de faire exploser ladite inflation. Et nous aurait permis depuis bien longtemps de répondre aux critères du TSCG – que nous contesterons pourtant plus loin et qui impose la réduction de la dette publique à 60% du PIB en vingt ans

Il n’aura sans doute échappé à personne qu’une des causes récentes de l’endettement de l’Etat aura été la crise bancaire de 2008 et le sauvetage bancaire, présenté comme inéluctable, par les pouvoirs publics.

Ceux-ci, bien qu’en affaires courantes (c’est-à-dire pendant la longue période qui avait suivi les élections sans arriver à former un gouvernement, période pendant laquelle l’ancien gouvernement gère les affaires courantes et ne peut donc prendre de décisions importantes), nos gouvernants sont intervenus de deux manières :

1- en injectant de l’argent frais dans les banques en difficulté ou  en prenant une participation directe dans le capital des banques

2- en octroyant des garanties plus que substantielles en cas de défaut de paiement.

 

Au total, entre 2008 et 2010, ces apports se sont élevés à 32,5 mds, dont vous pouvez voir la répartition sur ce graphique, 27 mds pour l’Etat fédéral et 5,5 mds pour les Régions.

Il faut encore ajouter – quantité non négligeable mais souvent oubliée par ceux qui prétendent encore aujourd’hui que ce sauvetage n’a rien coûté à l’état belge – les intérêts de la dette publique liés aux emprunts nécessaires à ces sauvetages, l’état ne disposant évidemment pas des fonds nécessaires. La Cour des Comptes estime que, pour la période 2008-2010, ces intérêts ont atteint un milliard d’euros.

Comble des dépenses, trois ans après ce premier sauvetage, Dexia Banque (la bien-nommée Bad bank) a été sauvée une deuxième fois, pour un montant de 4 mds d’€.

Au final, le coût brut de l’ensemble du sauvetage financier s’élève donc – nous venons de le dire – à 32,5 mds d’euros.

Ainsi donc les institutions bancaires belges (Dexia, Fortis, KBC,…) ont été sauvées par l’État à prix fort, 32,5 mds d’euros, soit 1/10ème de la dette publique, ou si vous préférez 9,4% du PIB de l’époque.

Au-delà du fait que nous aurions pu sauver l’épargne des citoyens et le système financier d’une autre manière, ce sur quoi nous reviendrons, Didier Reynders (Ministre des Finances de l’époque) a toujours prétendu que cela constituait un investissement pour la population et que l’État allait y gagner. En réalité, les banques n’avaient remboursé en 2013 que la moitié de ce montant et on oublie de dire que l’État paie des intérêts pour avoir dû emprunter – aux banques et donc même pas à la BCE – ces 32.5 milliards qu’il n’avait pas.

Enfin, nous ne sommes toujours pas à l’abri de nouveaux sauvetages bancaires, loin s’en faut, puisque rien n’a changé dans le fonctionnement des banques depuis 2008…

Fin 2015, avec le récent remboursement de 3,5 Mds de KBC à la région flamande, les banques doivent encore 12 Mds d’€.

Le 18 septembre  2015, La BCE annonçait : Les  banques  ont  peu  remboursé  les aides  reçues  depuis  2009 

« Les Etats de la zone euro ont récupéré moins de la moitié de l’aide financière apportée aux banques depuis la crise financière mondiale, a annoncé mercredi 16 septembre la Banque centrale européenne (BCE), en soulignant le risque lié aux garanties encore en vigueur aujourd’hui. »
Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/banques-ont-peu-rembourse-aides-recues-depuis-2009-eric-verhaeghe-2338090.html#CpqSyKOeSTyEbQHb.99

 

Nous venons de parler des dépenses engagées pour sauver les banques. Nous n’avons pas encore parlé des garanties d’Etat accordées aux banques en 2008 ainsi que la nouvelle garantie accordée à Dexia SA en 2011. Ces garanties représentaient un montant global de 160,7 mds d’€, soit 46,5% du PIB !  A l’heure où nous écrivons cet exposé, elles ont pu être revues à la baisse. Nous vous épargnons les détails : elles s’élèvent à 51 ,7 mds, ce qui est encore gigantesque, puisque ces seules garanties représentent tout de même 12,5% du PIB 2013.  Si vous ajoutez 8,5 mds d’aide à la zone Euro, nous nous atteignons 60 mds, soit 15% du PIB, sans compter les 5 mds engagés dans le FMI

Nous insistons sur le fait que, même non activées, ces garanties pèsent sur la dette publique puisque ce risque augmente le taux auquel l’Etat peut emprunter sur les marchés. Comme l’indique elle-même la Cour des comptes dans son rapport de décembre 2010 (ppt [49]), je la cite : « En termes absolus, les garanties accordées par l’Etat constituent de loin le risque principal. La probabilité de concrétisation effective des risques est toutefois particulièrement malaisée à évaluer, étant donné qu’ils dépendent aussi du contexte international et de l’évolution future de la crise financière ». Ceci n’est guère de nature à nous rassurer, d’autant qu’on sait qu’il est d’ores et déjà question d’un troisième plan de sauvetage de la bad bank Dexia.

Le comble peut-être, c’est que les conditions de ces prêts et garanties accordées par l’Etat aux banques sont quasi nulles. Même le rythme de remboursement est resté soumis au bon vouloir des banques, selon leur état de santé. Leurs pratiques n’ont donc pas dû changer.

Vous pourriez croire que cette crise n’a coûté à l’Etat « que » – avec tous les guillemets nécessaires – ce que nous venons d’exposer. Détrompez-vous. Car une telle crise financière ne pouvait qu’avoir des impacts sur l’économie réelle. C’est ce que va à présent vous exposer Grégory, en espérant que vous tenez le coup.

Comme on devait s’y attendre, la crise financière a bien fini par atteindre l’économie réelle. En devenant une crise économique doublée d’une récession, elle a agi sur l’augmentation des faillites, réduit d’autant l’impôt des sociétés, provoqué des restructurations et, donc, augmenté le chômage et les (pré-)pensions. La BNB évalue le déficit accumulé entre 2008 et 2010 à 39,25 mds. L’impact direct sur les finances publiques des conséquences de la crise financière sur l’économie dépassait donc déjà celui de la crise financière elle-meme, après seulement deux ans ! Pour une crise financière qui ne devait rien coûter …

Nous venons de vous présenter cinq causes majeures qui expliquent l’état actuel de la dette publique. Nous en avons fini – ou presque – avec nos chiffres, dont nous tenons à préciser qu’ils ont été passés au crible de l’objectivité la plus honnête, la plupart provenant de la BNB elle-même.

Mais une 6e cause est venue enfin grossir gravement la dette publique : l’Austérité !

Mais nous n’y comprenons décidément rien : on nous répète sans cesse que l’austérité n’est pas un facteur d’aggravation de la dette, c’est une conséquence inéluctable de cette dette ! Nous allons justement vous démontrer le contraire.

 

  • Quel lien avec l’austérité ?

Je me souviens assez clairement qu’à la fin de ma rhéto, le Ministre des finances fraîchement émoulu de l’époque, Didier Reynders, était interviewé au JT. Il avait fait état des moyens qui seraient théoriquement dégagés par l’Etat à la fin de l’exercice budgétaire. Il avait ajouté que ce « rab » allait servir à alléger la dette publique. C’était mon premier contact avec ladite dette. Ça m’avait terrifié !

Pourquoi ? Parce qu’elle dépassait 100%. 100% de quoi ? Je n’avais pas trop compris, sauf qu’on n’arriverait jamais à la rembourser ! J’ignorais à l’époque que j’avais raison et que même Bruno Colmant est d’accord SUR CE POINT avec moi : nous n’arriverons jamais à la rembourser.

Donc, à politique constante, nous avons montré que nous ne parviendrions jamais à rembourser la dette publique. Le faut-il ? Nous sommes en droit de nous interroger. Un Etat peut s’endetter, oui, si le but de l’emprunt concerne l’intérêt général. La dette publique, donc, est une réalité normale. Mais – et nous avons tenté de le démontrer – ses origines en Belgique et presque partout dans le monde sont révoltantes. Sur le principe, elles valent à elles seules une indignation justifiée.

Pourtant et de façon très pragmatique, ce n’est un problème concret que si on se met en tête de la rembourser.

Et c’est là qu’intervient l’austérité, avec la complicité volontaire de l’ensemble des gouvernements européens, pour ne parler que d’eux : la dette publique devient l’alibi qui sous-tend le dogme de l’austérité. Il FAUT rembourser la dette ! Donc, il FAUT faire des économies, il FAUT agir en « bon père de famille », il FAUT « moderniser » les institutions étatiques (comprenez : il FAUT moins de fonctionnaires), il FAUT repousser l’âge du départ à la pension, il FAUT diminuer les dépenses publiques, parce qu’on a EVIDEMMENT vécu au-dessus de nos moyens !

Comment ? Vous soulevez d’autres pistes pour résoudre le problème ? Vous ne voulez pas rembourser la dette ? Mais vous êtes un irresponsable !

« TINA ! » There is no alternative ! Margaret Thatcher l’a martelé, nos politiciens actuels le reprennent à leur compte. « Il n’y a pas d’alternative ! »

 

Petit rappel gouvernemental à l’adresse de tous ceux qui voudraient penser autrement : le cercle vertueux de l’austérité. L’objectif est la réduction du ratio DP/PIB, objectif par ailleurs imposé par le TSCG. Pour ce faire, trois mesures de réduction sont proposées :  1- réduire les dépenses publiques (à rend confiance aux marchés à diminue les taux d’intérêts des emprunts à diminue les déficits à atteint l’objectif) ; 2- réduire la fiscalité des entreprises (à crée des entreprises et de l’emploi à amélioration de la compétitivité à croissance économique à augmente les recettes fiscales à réduit les déficits à objectif atteint) ;  3- réduire les coûts du travail : les effets de la troisième mesure sont ceux de la deuxième.

A ce cercle vertueux de l’austérité, je vais opposer ce que nous nommons le cercle vicieux de l’austérité, bien plus proche, vous l’aurez compris, de notre conviction profonde, mais hélas étayée par la réalité de terrain. Je vous propose de le parcourir ensemble.

L’objectif reste toujours bien la réduction de la dette publique. La mesure 1 propose une réduction des dépenses publiques. Les conséquences sont triples : la réduction du nombre de fonctionnaires (la dernière en date parle du non remplacement de 4 fonctionnaires sur 5 !) ; la dégradation des services publics (report de dépenses d’entretien d’infrastructure par exemple). Ces deux premiers effets conduisent tout droit à une perte du pouvoir d’achat des gens, qui consomment moins. Le chômage augmente sensiblement, ce qui entraine une augmentation des dépenses sociales (chômage, CPAS, …), ainsi que la diminution des recettes fiscales, augmentant alors le déficit budgétaire, tout l’inverse donc de l’effet global escompté. Le troisième effet de cette mesure de réduction des dépenses publiques, c’est la diminution des investissements productifs (ponts, routes, écoles, énergies renouvelables, hôpitaux et on en passe à la pelle au choix), ralentissant, eux aussi, l’activité économique et la suite qui vous est connue.

Une seconde mesure d’austérité  consiste à réduire la fiscalité des entreprises, réduisant les recettes fiscales avec sa conséquence sur le budget, nous vous l’avons exposé plus haut. La troisième mesure d’austérité est de la même veine: il s’agit de booster le secteur de l’entreprise en réduisant les cotisations sociales, qui dégradent les finances de la sécurité sociale, donc des aides sociales, entrainant une perte du pouvoir d’achat des plus défavorisés, avec les conséquences connues. Si par contre on ne diminue pas les aides sociales, le résultat mène à une augmentation de la dette publique.

Nous considérons que cette façon de concevoir l’austérité, prônée tant par le FMI, la Banque mondiale, la BCE, la Commission européenne, la Banque nationale et les politiques pour l’instant aux commandes en Belgique, tant au Fédéral qu’aux entités fédérées, et quasiment partout ailleurs, que cette austérité ne mène qu’à l’aggravation du problème, tout en préservant à la fois les mécanismes qui y conduisent et les privilèges de ceux qui en sont les vrais responsables. Même le très sérieux Financial Times écrivait : « C’est justement cette absence d’austérité qui a permis à la Belgique de connaître une croissance économique « intéressante » de 2% en 2011 ! »

Pour vous en convaincre, si vraiment cela est encore nécessaire, nous vous présentons le bilan des trois dernières années d’austérité en Belgique : ainsi 22 mds d’austérité ont mené la dette de la Belgique de 98% du PIB à 106,55 fin 2014

Les indécrottables prétendront bien sûr qu’avec moins d’austérité, les chiffres auraient été pires encore. Quoi ? Vous voulez essayer ? A la grecque, par exemple. Alors là, vous seriez servis.

Voilà donc la sauce « austéritaire » à laquelle ils sont soumis : salaire minimum descendu à €3,44 par heure, licenciement de 30.000 salariés, suppression de 150.000 postes de fonctionnaires, gel des salaires des fonctionnaires « restants » pendant 3 ans et suppression des 13ème et 14ème mois, abaissement du seuil minimum d’imposition, flexibilité du marché du travail, hausse de la TVA de 13 à 23%, réduction des retraites (-7%), suppression des allocations de solidarité, privatisations tous azimuts, priorité au remboursement des créanciers, s’il vous plait. Avec un tel traitement de choc, au moins, la dette grecque ne pouvait que se réduire !

Voici donc le tableau de l’évolution de la dette grecque : en 10 ans d’austérité à la dure, elle a bondi de 98,6% du PIB à 175% en 2014. Plus grave ! Alors que le FMI reconnaît (tableau de gauche) que la Grèce a produit des « efforts budgétaires » remarquables (comprenez : « qu’elle a appliqué l’austérité »), le tableau de droite nous montre quelle est la conséquence sur l’économie hellénique. Bravo, le cercle « vertueux » de l’austérité ! Voici donc ce qui reste aux Grecs pour se consoler.

Bon, d’accord, il s’agit d’un humour contestable.

Mais ces mesures terribles, qui ont plongé des centaines de milliers de personnes dans la misère, les ont obligés à accepter des emplois sous-payés, des seconds et des troisièmes emplois, les ont privés de leurs richesses culturelles et de leurs atouts économiques, ces mesures qui les poussent à renoncer à devenir propriétaires ou à le rester, à se marier, à avoir des enfants ou qui les forcent à s’expatrier, à quoi les ont-elles menés ?

Pendant tant de décennies – reconnaissons-le –, nous nous sommes bien trop peu préoccupés du sort des pays pudiquement appelés « en voie de développement ». A quelles mesures ont-ils donc été soumis  ? Les voici reprises aux côtés de celles imposées à nos amis grecs. Il s’agit tout simplement d’un copier-coller !

Doit-on encore et toujours rappeler que la dette du Sud, c’est-à-dire des pays pauvres, a quintuplé entre 1980 et 2012, passant de 350 mds de $ à 1766 mds de $, alors que les pays concernés en ont remboursé 3253 mds de $ ? Doit-on enfoncer davantage encore le couteau dans la plaie et souligner que, parallèlement, les dépôts des riches des pays pauvres dans les banques du nord s’élèvent à 2380 mds de $.

Pour couronner cette démonstration, rapprochons nous au plus près, et voyons ensemble les mesures d’austérité imposées dès ’83 à la ville de Liège

L’austérité n’est pas donc une réponse à la crise de la dette, elle en devenue l’une des causes principales !

La troïka (c’est-à-dire la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international) ignorait-elle les conséquences de ces mesures, imposées aux pays pauvres de plus en plus endettés par la banque mondiale et le FMI, lorsqu’elle les a imposées aux Grecs ? Les responsables politiques de l’Europe – et singulièrement de Belgique – ignorent-ils les conséquences humaines – bien sûr –, mais tout simplement comptables de ces mesures ? Pourquoi continuent-ils à vouloir nous les imposer ? Par incompétence ? Par collusion avec le monde de la finance ? Par soumission à leur diktat érigé en dogme ? Par peur d’une autre aventure ? Par volonté de mettre travailleurs et syndicats au pas ? Par un peu de tout cela à la fois ? Quoi qu’il en soit, le résultat du triptyque « austérité – libéralisation – privatisation » est limpide : il a produit partout où il a été imposé les effets inverses de ceux officiellement promis.

L’austérité ne marche pas ? Qu’à cela ne tienne, le très puissant TSCG : Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance au sein de l’union économique et monétaire – va résoudre nos problèmes. En voici deux axes fondamentaux :

  • Réduire notre dette à 60% du PIB en 20 ans
  • Limiter le déficit structurel à maximum 0,5% du PIB.

Avec un tel programme, on est en droit d’affirmer avec la FGTB qu’ « aucun Etat membre ne pourra atteindre un tel objectif, même en sabrant dans les budgets à tous les niveaux » ! Pourtant des sanctions sont prévues pour les Etats coupables de non-respect, sanctions financières, comme il se doit, pouvant atteindre 0,1 % du PIB, soit tout de même, pour notre pays, une amende modeste de 377 millions d’euros !

Réduire notre dette à 60% en 20 ans ? Sur base de quelles études, et de quels impacts humains ? Mystère absolu. Quand on sait comment le sacrosaint critère des 3% de déficit fut inventé en France, sur injonction de François Mitterand, en une soirée, par deux experts Guy Abeille et le cousin de Dominique de Villepin, qui en rigolent encore tant ils le savent sans fondement économique, et comment ce critère creux a tant fait école qu’il s’est retrouvé critère de Maastricht, cela laisse rêveur sur le sérieux qui a mené à cet autre non moins sacro saint chiffre symbolique de 60%, et cela donne froid dans le dos.

Ce qui est certain par contre, c’est que plus aucune politique d’investissement et de relance n’est possible dans ces conditions. Le pire peut-être, c’est qu’en janvier 2013, le FMI admettait s’être fourvoyé dans ses calculs sur les conséquences négatives des plans d’austérité sur l’activité économique en Europe (erreur de 300%… rien que ça !). Dans un rapport de mars 2013, la Commission européenne a confirmé que l’austérité n’a pas donné les effets escomptés et qu’elle a aggravé la crise sociale. En 2010, une étude de Harvard servant de référence officielle pour tous les défenseurs de l’austérité s’est révélée être une imposture… Des erreurs de codage dans un tableau Excell prouvaient à tort qu’un endettement supérieur à 90% du PIB ralentissait dramatiquement la croissance économique.

Pourtant, cela ne suffit pas pour changer de cap ! Les autorités européennes continuent à exiger que… l’on fonce dans le mur et viennent de féliciter notre gouvernement pour les mesures qu’il a prises récemment : doit-on s’en réjouir ?

Il s’agit pour nous d’une fuite en avant qui interdit – qui s’interdit – toute réflexion quant aux alternatives, un ensemble de dogmes qui ruine silencieusement notre modèle social et le principe même de démocratie. D’ailleurs, le TSCG représente un important recul démocratique puisqu’il confisque à nos parlements l’élaboration des budgets nationaux parce qu’elle soumet cette étape politique cruciale à l’approbation d’institutions non élues, dont la Commission européenne.

Et quand nous parlons de fuite en avant, nous ne pensons pas exagérer, car à la suite de ce TSCG se profile, en coulisse, en toute opacité puisque le mandat de la Commission n’est toujours pas rendu public, le TTIP, le Traité sur les Libres Echanges commerciaux entre l’Europe et les Etats unis. Ce traité portera à son paroxysme la dérèglementation – si nous ne nous y opposons pas avec suffisamment de force. Nous avons tout à y perdre, non seulement par une concurrence bien plus féroce encore, mais aussi par la mise à mal de certaines barrières déjà chancelantes mais encore debout, en matière de qualité alimentaire, notamment.

TSCG et TTIP constituent l’aboutissement de la machine de guerre mise en place par la finance. Elle a inventé le dogme de l’austérité pour écraser les peuples du Nord, après avoir ruiné les peuples du Sud. Ses outils sont le FMI, la banque mondiale, l’OMC, relayés par la Commission européenne et la BCE. L’enjeu n’est autre que de relever les taux de profit des capitalistes occidentaux au niveau de ceux des pays émergeants.

Les démocraties parlementaires risquent bien de ne pas survivre à ces coups de boutoir et pourraient tomber les unes après les autres, en commençant par les plus faibles, tels la Grèce.

20160922 dette publique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Et la démocratie dans tout ça ?

 

(ppt [71])

 

Excusez l’impertinence de mon vieil ami Jacques. Il ne se tient plus. Il a encore dérapé. Il vient encore de lâcher ce « gros mot ». « Démocratie »…

La première règle d’une véritable démocratie, ce serait l’indépendance de ceux qui la dirigent…  (ppt [72]) Parlons donc de l’« indépendance de nos dirigeants ».

Savez-vous ce qu’ont en commun, par exemple, Mario Draghi, Mario Monti et Lucas Papadémos ? Le nouveau président de la Banque centrale européenne – Mario Draghi –, le président désigné du conseil italien en novembre 2011 – Mario Monti – et l’ex-premier ministre grec – Lucas Papademos – appartiennent à des degrés divers au « gouvernement Sachs » européen. La banque d’affaires américaine Goldman Sachs a en effet tissé en Europe un réseau d’influence unique sédimenté depuis des lustres grâce à un maillage serré, souterrain comme public.

Le premier, Draghi (ppt [73]), ex-vice président de Goldman Sachs pour l’Europe était entre autres chargé de vendre le produit financier “swap” permettant de dissimuler une partie de la dette publique, ce qui, par exemple, a servi à maquiller les comptes grecs pour dissimuler les difficultés que connaissait le pays. C’est grâce à ces maquillages de comptes que la Grèce a pu entrer dans la zone euro, pas moins. Le deuxième, Mario Monti (ppt [74]), conseiller international de Goldman Sachs depuis 2005, fut nommé sénateur (sénateur à vie, même, grâce à l’apport de ses travaux sur l’économie) puis, en 2011, Président du Conseil des Ministres sans jamais avoir été élu à ce poste. Arrive en troisième position Lucas Papadémos (ppt [75]), qui était premier ministre de Grèce jusqu’à la victoire récente de Syriza, qui fut gouverneur de la Banque centrale hellénique entre 1994 et 2002 et qui a, à ce titre, participé à l’opération de trucage des comptes perpétré par Goldman Sachs. Le gestionnaire de la dette grecque est d’ailleurs un certain Petros Christodoulos, un ex-trader de la firme.

 

Dernier exemple en date : José Manuel Barroso[76], deux fois président de la Commission Européenne, entre 2004 et 2014, a été débauché tout récemment (juillet 2016) par GS pour prendre la présidence non exécutive de son CA. L’intention de la banque est de se pourvoir d’un lobbyiste d’excellence auprès de la Commission pour réduire les impacts négatifs du Brexit. Et dire qu’il a commencé sa carrière politique comme président des étudiants maoïstes lors de la révolution des œillets… Mais, comme Dominique Berns l’indique dans le Soir du 22 juillet 2016, Barroso n’est que l’arbre qui cache la forêt : en effet, un tiers des commissaires sortant de la commission 2014 officient dans la sphère du big business.

Vous avez dit « conflit d’intérêt » ?

Vous voulez mieux ? (ppt [77])

En octobre 2010 – donc bien avant que la justice belge ordonne des perquisitions contre HSBC et convoque certains de ses dirigeants parce qu’elle soupçonne la banque britannique d’avoir blanchi des milliards d’euros grâce à sa filiale suisse, en privant ainsi le fisc belge de centaines de millions d’impôts – en octobre 2010, donc, la justice des USA met HSBC en demeure pour la deuxième fois depuis 2003 d’arrêter ses activités criminelles : il faut savoir qu’au cours de la dernière décennie HSBC (banque britannique dont on vient à nouveau de parler pour le même genre d’exactions de sa filiale suisse, le fameux Swissleaks), HSBC a collaboré avec les cartels mexicains et colombiens de la drogue dans le blanchiment d’argent pour un montant de 481 millions $. Il est grand temps pour Stephen Green (ppt [78]) (prêtre et président de HSBC) de quitter le navire. Le 16 novembre 2010, à la demande de David Cameron, il est anobli par la reine d’Angleterre et devient le baron Stephen Green de Hurstpierpoint du Comté du Sussex occidental. Cela ne s’invente pas. Pour un businessman qui a permis de blanchi l’argent des barons de la drogue, c’est une belle promotion. A ce titre, il devient membre de la chambre des Lords le 22 novembre 2010. Le mois suivant, il démissionne de la présidence de HSBC et en février 2011, il devient ministre du commerce et de l’investissement. Vous liriez ça dans un polar, vous vous diriez que l’écrivain exagère. L’épilogue est également heureux pour HSBC : en 2012, la banque dut payer une amende de 1,9 mld $, soit l’équivalent d’une semaine de recettes de la banque, pour clore l’affaire.

Il ne s’agit pas du tout de notre adhésion à une théorie du complot quelconque, il s’agit de façon tout à fait factuelle de collusion entre les mondes politique et financier. Les exemples sont légion : les plus célèbres chez nous – toutes proportions gardées – sont évidemment Jean-Luc Dehaene, Elio Di Rupo, Karel de Gucht, Didier Donfut, qui ont exercé des fonctions ministérielles et le rôle d’administrateurs rémunérés au C. A. de Dexia, ou encore Marc Verwilghen, qui s’est reconverti chez British American Tobacco puis dans une banque d’affaires. Les liens entre le monde de la finance et celui de la politique sont devenus inextricables. Des politiciens deviennent administrateurs de grandes banques ou d’organismes internationaux (DSK et Lagarde en France, Tim Geithner aux Etats-Unis, Tony Blair en Angleterre…) et inversement, des personnalités issues du monde de la finance débarquent dans les gouvernements et les institutions européennes, et américaines, d’ailleurs, comme Emmanuel Macron, actuel ministre français de l’économie et de l’industrie, issu de la banque Rotschild et tant d’autres. Dans ces conditions, peut-on imaginer une autre politique que celle menée actuellement en Europe ?

 

Mais nous ne sommes pas venus ici les mains vides. Voici venue l’heure de vous proposer nos alternatives « ANTI-TINA », ou plutôt les alternatives auxquelles nous adhérons et qui sont portées par un mouvement dans lequel nous nous sommes inscrits, l’audit citoyen de la dette publique, dans lequel se retrouvent des personnes qui militent dans de nombreux mouvements associatifs, tels que le CADTM, ATTAC, CSC, FGTB, CAL, Bruxelles Laïque et plusieurs mouvements ou partis politiques à la gauche de la gauche. S’y retrouvent aussi et surtout des personnes au seul titre de citoyens. Ces alternatives sont regroupées sous le nom de « TAPAS » (ppt [79]) et s’opposent au « TINA »

Jusqu’à l’éclatement de la crise mondiale de 2007-2008, la grande majorité des mouvements sociaux refusaient de parler d’annulation de la dette publique des pays du Nord, principalement pour deux raisons : 1- on est quand même des gens civilisés : notre dette a donc été contractée légitimement ; 2- l’annulation de la dette aurait des conséquences pires que la dette elle-même, notamment en termes de vengeance de la part des marchés financiers. Mais depuis que la crise s’est profondément enracinée en Europe et en Amérique du nord, le tabou se lève peu à peu. On commence à s’interroger. C’est ce que nous vous invitons à faire maintenant.

Annuler la dette, partiellement ou totalement, est-ce possible ? Oui ! Les exemples les plus cités sont l’Equateur ou l’Islande, mais des annulations de dettes ont été réalisées en Argentine, en Pologne ou en Russie.

Annuler ou, du moins, suspendre la dette, est-ce légal ? Oui ! C’est même prévu dans l’Annuaire de la Commission de droit international de l’ONU, 1980, Volume I (ppt [80]) :

« On ne peut attendre d’un Etat qu’il ferme ses écoles, ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle façon qu’il livre sa communauté au chaos simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut attendre d’un Etat, de la même façon que pour un individu. »

Annuler la dette, enfin, n’est-ce pas léser les petits épargnants ? Non ! Que l’on triture les chiffres de la BNB comme on veut, la part de la dette publique détenue directement par les petits épargnants belges ne dépasse pas les 5%. Selon l’Agence de la dette, elle devrait se situer entre 2 et 3% au 31 décembre 2011… Il suffirait donc de protéger cette épargne-là.

Comment pouvons-nous alors nous y prendre ? La plateforme nationale de l’Audit Citoyen de la Dette a présenté son vademecum pour tout annulationiste qui voudrait se lancer (ppt [81]) :

  1. (ppt [82]) Il faut commencer par décréter un moratoire du paiement de la dette. Stop ! C’est fini ! On attend et on ne paie pas pour le moment ! Pourquoi ? Parce que le meilleur moyen de savoir à qui vous devez de l’argent, c’est de ne pas payer ! Car figurez-vous qu’avec les jeux spéculatifs d’achat-vente de titres de la dette sur le marché secondaire, particulièrement opaque, nous ne sommes pas certains de connaître l’identité de nos créanciers ! Et vous pouvez être surs qu’en cas de non-paiement, ils sortiraient vite du bois !
  2. (ppt [83]) L’audit citoyen de la dette publique consiste à poser les questions sur les circonstances des emprunts qui nous ont menés à cet état de fait. Qui ? Auprès de qui ? Pourquoi ? Comment ? A quel taux ? A quelles conditions ? Mais dans « Audit citoyen », il y a le mot « citoyen ». L’adjectif est important : il s’agit bien d’un audit opéré par des citoyens ! Exerçons notre devoir et notre droit civiques ! Ne laissons pas l’audit être réalisé par ceux qui sont à l’origine même de la dette !
  3. (ppt [84]) La dette dite « illégitime » est un concept qui désigne une dette qui n’a pas été contractée dans l’intérêt du peuple. Mais il y a pire : la dette illégale, c’est-à-dire qui a été contractée en infraction avec les règles en vigueur, notamment au travers de clauses abusives, mensongères, interdites. Notre équivalent français, le Comité d’Audit Citoyen (le « CAC »…), qui a deux ans d’avance sur nous, estime, chiffres à l’appui, que la part de la dette française illégitime s’élève à… 59% !
  4. (ppt [85]) Un étalement de paiement pour rembourser à un rythme soutenable et permettre aux pouvoirs publics de lancer de grandes réformes économiques et sociales.
  5. (ppt [86]) Une réforme fiscale plus juste. Jacques vous l’a expliqué : la politique fiscale actuelle induit une baisse considérable des recettes publiques.
  6. (ppt [87]) Une réforme de la BCE. Petite piqûre de rappel (ppt [88]): le taux d’intérêt représenté par le trait mauve ne devrait léser personne…

 

Comment parvenir à convaincre les pouvoirs publics de la nécessité d’un audit citoyen  et indépendant? Par le rapport de force et par les sondages !

Un homme politique qui aujourd’hui proposerait de réaliser un audit citoyen de la dette publique n’est pas « ministrable ». Par contre, on entend régulièrement parler d’ISF dans les promesses électorales, parce que les sondages révèlent que 85% des Belges sont favorables à cette mesure. Quand la nécessité d’un audit aura atteint la même proportion de la population, les « petits partis » ne seront plus les seuls à le fixer dans leur agenda politique.

Alors parlez ! Discutez ! Semez le germe de la réflexion, à table en réunion de famille ou devant la machine à café au boulot ! (ppt [89])

Nous sommes complètement privés de débats sur la dette : certaines informations doivent être connues du grand public, notamment le fait que les Belges n’ont pas vécu au-dessus de leurs moyens, que l’austérité ne permet pas de diminuer la dette – au contraire ! –, que le paiement de la dette est la première dépense de l’Etat, qu’une suspension de paiement ne provoque pas de catastrophe.

Ne laissez plus passer cette occasion de montrer que ce ne sont pas forcément les chômeurs et les immigrés qui coûtent cher à la société !

Nous sommes intimement convaincus que l’arnaque de la dette lèse la population dans son énorme majorité : si vous ne faites pas partie du pourcent le plus riche de la planète, vous êtes concerné par cette réalité.

Vous n’y connaissez rien ? Vous êtes nul en économie ? Vous pensiez avant ce soir que le PIB était un parti politique ? Ce n’est pas grave ! Dès les premiers instants de lecture ou de surf sur Internet, on comprend où se situe l’enjeu ! Et le nul en économie laisse vite la place au génie en indignation !

 

On aurait bien voulu vous parler des réformes urgentes du système bancaire. Nous n’en avons pas le temps. Et après tout, toutes ces mesures à prendre, nous pouvons en débattre ensemble, ou plutôt en initier le débat. Elles pourraient d’ailleurs tout aussi bien faire l’objet d’un séminaire entre vous, bien plus riche en échanges. Nos lectures nous ont cependant amenés à penser, en faisant une comparaison osée avec une histoire bien connue, réelle ou symbolique, qui se serait déroulée voici deux millénaires, qu’il faudrait commencer par peu de chose, une simple révolution, celle qui consisterait à chasser les marchands de la finance du temple parlementaire (ppt [90]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici venu le temps de conclure.

« A qui profite la dette (publique) ? » : nous pensons avoir rempli notre contrat au moins sur ce point sans ambiguïté ni faux fuyant. Nous pensons qu’elle profite aux banquiers, aux traders, aux nantis, aux privilégiés du système. Mais au-delà et bien plus fondamentalement, elle est devenue une machine de guerre et nous mesurons le poids des mots. Par l’arme de destruction massive de l’austérité et par le régime de terreur qu’inspire l’écroulement supposé de notre civilisation à travers la remise en cause de son système économique dominant, la dette permet de réduire progressivement à néant les conquêtes sociales engrangées depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Elle autorise la mise en place de lois de plus en plus liberticides. Elle permet de mettre à genoux les travailleurs, d’affaiblir leur potentiel de résistance, de briser leur principale force – leur seule force – la solidarité.

On parle toujours de la formule « Liberté, Egalité, Fraternité », chère à la France. Hélas, à présent, les inégalités mettent à mal nos libertés et brisent les solidarités. La dette est l’alibi d’une guerre de classe destinée à écraser le peuple. Un recul gigantesque de la civilisation.

Nous retracions en préambule l’histoire de la dette depuis la Haute Antiquité. A chaque fois, le pouvoir en place, pour se maintenir, s’est placé du côté des endettés et a forcé les nantis à renoncer à tout ou partie de leurs créances.

Pour la première fois dans l’Histoire moderne, les gouvernements se sont résolument rangés du côté des nantis, quand ils n’en sont pas directement issus, contre le peuple.

Tous ensemble, mais en plaçant la solidarité et l’égalité en premiers, nous pouvons travailler au progrès de l’Humanité. C’est à nous de jouer.

Des milliards de personnes sont privées de libertés fondamentales, de droits réputés universels, d’accès à la nourriture, à l’eau, à l’énergie, aux soins, à la culture.

Ce débat est vital. On se doit bien ça !

 

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