Éditorial J74

logo 1Cher Ami,

L’émission s’intitulait « La naissance de la terre » mais l’histoire commençait bien longtemps avant la gestation.
D’abord…Une explosion gigantesque et une étoile qui naît, quelque part dans le vide sidéral… et puis très vite… des milliards de milliards de grains de poussière projetés au loin (A des années-lumière ),
Au hasard de multiples pérégrinations et sous l’effet de la force électro magnétique… de petits agglomérats de cette poussière qui tournent sur eux-mêmes de plus en plus vite et qui grossissent… et qui deviennent d’énormes boules qui dansent en tournant autour de leur étoile, à la fois attirées par elle, bien plus grosse, bien plus massive… et repoussées par leur très grande vitesse .…
Prisonnière comme ses comparses, des deux forces opposées qui la guident d’une « main de fer », l’une d’entre elle tourne ainsi depuis cinq milliards d’années.
C’est la terre.
Lors de gigantesques collisions, des comètes de glace l’ont sculptée et en explosant à sa surface, ont fondu et l’ont noyée…
Après, on connaît l’histoire… des acides aminés, des orages magnétiques, des éclairs violents … Pour faire vite, la vie surgit !
Me voilà dans mon lit, on est en deux mille quinze (puisque c’est ainsi qu’on a compté) C’est la nuit mais je ne dors pas.
En une heure d’insomnie, je viens de voyager à travers le temps et l’espace pendant cinq milliards d’années. Wow !
La télévision, quelle belle invention ! Et le rêveur éveillé se laisse volontiers entraîner par le calme de la nuit.
Je gamberge et j’aime çà. Moi qui croyais être un aboutissement, un modèle, un chef d’œuvre de complexité, me voilà revenu à l’état de… grain de poussière originelle.
Pourtant, le printemps est là, comme toutes les années… c’est signe de renouveau.
Depuis que la lumière avait perdu de son éclat, la sève ne montait plus pour alimenter les feuilles et les fleurs… elles mouraient.
Mais aujourd’hui, tout renaît, c’est reparti parce que la vie est revenue, parce que la vie va encore une fois, le temps qui lui plaira, animer de petits agrégats de cellules qui grossiront, grandiront…
Certains d’entre eux, (mettons qu’ils soient plus complexes) se mettront à penser, à réfléchir, à se regarder. Ils imagineront qu’ils existent en tant que « un » et que ce « un » se distingue de l’autre.
Chacune, chacun finira par se persuader qu’il existe parce qu’il possède une vie et que celle-ci lui appartient.
« C’est à moi, c’est mon bien le plus précieux, j’ai peur de la perdre, je crains qu’on ne me la vole »
Personne ne peut dire ce qu’on est quand on n’a plus sa vie … alors chacun s’angoisse, essaie des petits trucs, invente ceux ou celui qui lui aurait donné… qui pourrait la lui rendre si on venait à la lui voler, si elle disparaissait… mais aussi le seul… qui pourrait la lui reprendre.
Dieux sont nés… à l’image de l’homme qui a peur de mourir.
Pour l’éviter, il faudra manger, dormir, avoir du plaisir, des enfants, se chauffer…
À chaque dieu son petit domaine, on les priera on leur fera des cadeaux… mais bien vite, ils deviennent trop nombreux, les offrandes coûtent cher et les prières durent trop longtemps.
Il serait pratique de les remplacer tous par un seul… Oui ! Mais alors, quelle puissance il faudra lui reconnaître !! Quelle soumission qui soit à la mesure de l’écart entre lui, le très haut, le créateur … et moi, la créature… implorant sa bonté.
Je n’aime pas le scénario, l’histoire est trop simple, on connaît la fin avant d’avoir commencé.
Alors voilà… je reviens mon Ami, je n’étais pas perdu, seulement parti chercher où pourrait se cacher la mort.
Je ne l’ai pas trouvée… mais seulement un vide, une absence, celle de la vie qui s’en est allée, suivant son caprice, animer autre part, un petit agrégat de cellules.
Bien à toi mon Ami, avec toute ma fraternité.

Francis.