Éditorial J79

Cher Ami,

Il y a bien longtemps, en Grèce, circulait une histoire – certains diront « un mythe » – qui incitent à la réflexion, celles et ceux qui veulent bien l’écouter avec une attention soutenue.
La voici : Dans une caverne, avaient été enfermés des esclaves.
Pieds et poings enchaînés, ils étaient de surcroît immobilisés jusqu’à ne même pas pouvoir tourner la tête et adossés à un muret un peu plus élevé que le sommet de leurs têtes Ces pauvres hommes étaient donc condamnés à ne voir jamais que le fond de la grotte légèrement éclairé par la lumière extérieure.
Un peu surélevé par rapport au niveau de la caverne passait un chemin sur lequel circulaient des personnes portant toutes sortes d’ objets… et un feu allumé à proximité projetait les ombres de ces passants sur le fond de la grotte.
Les prisonniers enchaînés, privés de tout contact extérieur, finirent bien évidemment par considérer leurs visions pour la réalité.
Les ombres étaient devenues leur seule repère.
Au cours des quelques milliers d’années qui suivaient, naquirent toutes sortes de sociétés qui chacune, adoptèrent des habitudes, des rites, des croyances, une manière de vivre ensemble et de s’exprimer qui les distinguaient les unes des autres.
Pour certaines, le développement technique et social fut tel que d’énormes cités se développèrent où l’on pouvait trouver tous les biens de consommation qu’il est possible d’imaginer.
De grands magasins furent aménagés pour organiser la collecte, la présentation et la distribution des produits venus de tous les coins du pays, de sorte qu’il n’y eut plus besoin de se rendre dans les campagnes pour trouver du lait, du beurre ou des œufs, d’aller à la cueillette de fleurs pour respirer leur parfum ou d’entrer dans la forêt pour y couper le bois dont on se chaufferait l’hiver. Les marchands et leurs conseillers, pour mieux vendre leurs produits, imaginèrent la publicité sous forme de conseils judicieusement distillés pour laisser entendre qu’ils voulaient le bonheur de tous
Les aînés, ne trouvant plus trop leur place dans ce monde artificiel qui avait oublié quels magnifiques « passeurs de mémoire » ils pouvaient être, finirent par garder en eux les souvenirs précieux du temps de leur jeunesse.
Bientôt, les plus jeunes, habitués à la vie de la cité et à leur mode de communication particulier, purent croire que le lait, les œufs ou la viande, comme le reste, étaient fabriqués suivant une technique élaborée dans de grandes manufactures spécialisées.
Les adultes préoccupés par l’image qu’ils fallait donner d’eux à leurs amis et connaissances, abandonnèrent leur sincérité, leur authenticité, leurs convictions au profit des modes vestimentaires, mobilières ou des courants de pensée en vogue.
Cher Ami, tu me connais assez pour avoir repéré que la seconde partie du récit ne figurait pas dans l’histoire initiale mais qu’elle ressemble trop à notre société pour ne pas constituer une suite logique de la première.
De quoi est constitué ce mur et ces enchaînements qui nous asservissent et nous obligent à prendre des ombres pour la réalité du monde…. bien plus simple à imaginer mais plus difficile sans doute à mettre en œuvre.
Notre caverne nous semble dorée, sans doute est-ce parce qu’un mur nous empêche de regarder au loin des réalités dans lesquelles nous n’aimerions pas nous trouver.
Bien à toi mon Ami, désolé d’avoir été un peu long.

Francis

(Cette histoire toute simple est inspirée du « Mythe de la caverne » de Platon.)
Cher Ami,
Francis.