Editorial janvier 2012

Mon Ami,

Cette année encore, lorsque tu recevras ce message, le solstice aura été.
Le temps qui passe nous emmènera une fois encore vers plus de lumière et de vie, vers un autre zénith, une autre apogée.
Ce sera le printemps et les semailles et puis le soleil montera haut dans le ciel et le blé lèvera; alors le temps d’un futur déclin, inéluctable pourtant, nous semblera  tellement loin qu’il nous paraîtra presque improbable.
C’est vrai : le zénith, le nadir, le parfum des foins, la vie dehors qui succèdent aux soirées devenues un peu longues calfeutrés dans nos maisons isolées sont des notions qui nous sont devenues familières, compréhensibles parce qu’elles sont à notre mesure, à portée de ce que nous vivons.
Ainsi, à mon âge tu vois, je vivrai pour la soixante-sixième fois le solstice d’été..
Alors, c’est bien facile de les redire, ces pensées-là : « S’il y a le jour c’est parce qu’il y a aussi la nuit, s’il y a la chaleur, c’est qu’il y a le froid, s’il…. »
Tellement facile que leur sens profond disparaît tant nous les ânonnons plutôt que de les intégrer à notre manière d’être.
Et chaque année qui passe, lorsqu’arrive la fin du mois de juin, les frimas sont oubliés et l’on a du mal à concevoir que le début de la descente est là, que la fin de l’envol ouvre le chemin de la chute.
« …Je refuse de me laisser entraîner dans des considérations pessimistes alors qu’il fait si beau… » (sic) Et oui …!
En ces temps d’incertitude matérielle et d’inégalité sociale, me sont revenues des réflexions, des idées, des pensées que j’aurais aimé échanger avec toi :
Et si tous les phénomènes, qu’ils soient physiques, sociaux, économiques ou autres, étaient soumis à cette même loi ?
Et pourquoi lorsque le soleil atteint le zénith, l’illusion nous prend-t-elle que le voyage pourrait se poursuivre indéfiniment ?
Et pourquoi nous, les privilégiés de la consommation et du bien-vivre … oublions-nous…(sic) de penser  que s’il existe quelque part un confort matériel voire une opulence, c’est qu’autre part, existe la faim, la misère, la détresse ?
Le moment ne serait-il pas venu de réaliser que nous nous délectons quelque part, au zénith, du bien-être  alors que d’autres vivent (ou survivent) le nadir le plus profond, les ténèbres les plus noires … Et que l’annonce du déclin prochain pour certains est peut-être bien la fin de la nuit,  l’augure d’une aube nouvelle pour d’autres ?
Que faut-il dire face à une évolution qui paraît ne plus faire de doute ?
Que s’il y a la compassion, la solidarité, la générosité, c’est parce qu’existe l’égoïsme et l’indifférence ?
Y avons-nous pensé ?…  Et eux, y penseront-ils ?

Bien à toi et au plaisir de te revoir chez nous.

Francis