Editorial mars 2012

Notre vie doit-elle un théâtre ?

Pouvons-nous être ce que nous sommes ?

D’où viennent donc ces tréteaux, ces pendrillons, ces frises, ce manteau d’Arlequin ?

Personne ne les a installés et pourtant…Les aurions-nous installés nous-mêmes, par besoin de paraître ?

C’est vrai : notre société est devenue celle du « coude à coude » du « Moi d’abord » et nous, pauvres cabotins en quête de reconnaissance, acteurs de seconde zone qui rêvent de grands rôles et de « têtes d’affiches » nous n’osons même plus franchir la porte du décor pour affronter les feux de la rampe.

Où en suis-je ? Qu’oserais-je montrer de moi: mon costume de scène ou ma réalité, ce que je suis vraiment ?…

Ou bien alors, de quel « réality-show » suis-je donc la vedette inconsciente, consentante et passive ?…

Ah oui !… Je veux bien penser, réfléchir, méditer, Apprendre à me connaître pour mieux connaître les autres, pour me rapprocher d’eux…. Et je le clame bien haut.

Mais s’il vous plaît ! Que l’on me propose du concret, du palpable, du mesurable, du facile à dire… pour que ces mots, auxquels je m’accroche puissent encore être un rempart contre des silences qui me parlent trop bien, qui me connaissent mieux que moi-même et qui me font si peur que je n’ose plus les écouter.

C’est si commode d’évoquer le nombre et la nature des objets qui m’entourent et contribuent à mon confort ! Tout cela visible, mesurable

Mais qu’une émotion s’en vienne à trahir mes faiblesses cachées, mes petites inhibitions d’homme moderne et voilà mon illusoire superbe de minuscule entité qui s’écroule.

Et oui ! Les mots sont bien faciles à gérer, à contrôler, à réprimer mais ils ont la faiblesse des codes et sont bien impuissants à traduire un message où il n’est plus question d’unités  mais de paix, de chaleur humaine, de solidarité ; En un mot, un message du cœur.

Si je vis en acteur, alors, que je sois aussi le critique de ma pièce, que j’apprenne à discerner dans le plein feu des rampes, ces ombres insaisissables et tenaces que sont mes silences, qui sans cesse resurgissent, hantent  chacun de mes pas et s’en vont immatérielles, s’étirer dans les cintres.

Que j’apprenne à retourner sans cesse visiter mes coulisses, là où n’est plus le strass, là ou s’éteignent les projecteurs ! Que je regarde en face l’envers de mon décor, que j’accepte d’y voir le miroir de ma propre dérision aussi longtemps que je n’aurai  pu découvrir  le personnage que je voudrais être sans devoir le jouer !

Le désir de se reconnaître en l’autre s’émousse et puis se perd lorsqu’on s’est résigné à ne plus exprimer ce que les mots disent mal ou ne peuvent pas dire, lorsqu’on se sent saisi d’une inepte pudeur, de sentir comme une honte, ce qu’ils ne peuvent transmettre.

N’accusons plus les émotions d’être la cause de tous les dangers, n’essayons plus de rassurer le pantin que nous sommes en lui faisant croire que nous les contrôlons, que nous les maîtrisons. Reconnaissons simplement, avec humilité, que nos peurs d‘acteur sans talent nous obligent à les inhiber.

Ce que les mots ne pourront transmettre, c’est notre manière d’être qui le dira, simplement,  parce que toutes les formes de communication portent en elles un grand besoin d’amour et de sérénité.

Cher Lectrice, Cher Lecteur, Merci de m’avoir lu.

F.Cornet